Voiture électrique VS voiture thermique 3/4 : impact sur les ressources et pollution des milieux
La voiture électrique arrive peu à peu sur le devant de la scène, en vertu des avantages écologiques qu’elle présente par rapport à sa cousine, dite “thermique”, et fonctionnant à base de carburants dérivés du pétrole (essence, diesel…). Néanmoins, à la question “la voiture électrique est-elle meilleure pour l’environnement que la voiture thermique ?”, la réponse est rarement unanime. Dans cette série, nous vous aidons à comparer, de manière objective, les impacts environnementaux des deux types de motorisation. Continuons dans cet article en passant en revue leur impact sur les ressources et la pollution occasionnée sur les milieux naturels.
La composition du parc automobile français
Avant tout, il est utile d’avoir en tête qu’un véhicule, en France, a une durée de vie de l’ordre de 19 ans. Au cours de son cycle de vie, passant de propriétaires en propriétaires, il roulera en moyenne 150 000 km à 200 000 km 1. A l’heure actuelle, la quantité de véhicules électriques est encore négligeable : le parc automobile français est composé de 38.9 millions de véhicules 2 dont seulement 860 000 véhicules 100% électriques 3 en 2023, soit moins de 3%.
Alors, quel est l’impact sur les ressources et les milieux de notre usage généralisé de cette flotte de véhicules ?
L’impact de la voiture thermique sur les ressources et les milieux 🌏
Les pollutions de l’industrie automobile ne s’arrêtent pas au climat et à la qualité de l’air. L’industrie automobile consomme énormément de ressources dont l’extraction pollue l’air, l’eau et les sols.
Quelles sont ces ressources ? Au sujet de la voiture électrique, il est souvent question de “terres rares” et de métaux difficiles à extraire comme le Lithium et le Cobalt. Pourtant, la voiture thermique nécessite également des “terres rares”. Si l’on se concentre sur les éléments de motorisation, du Cérium est indispensable pour la conception de son pot catalytique, permettant le traitement des gaz d’échappement. Il y est quasiment irremplaçable selon un rapport du Sénat daté de mai 2016 4.
Pourquoi l’extraction des terres rares pose-t-elle problème ? L’extraction de ces “terres rares” est polluante du fait de leur dispersion dans les sols. Elle nécessite l’extraction et le broyage de matières rocheuses, puis une dizaine d’étapes de séparation par des procédés chimiques très consommateurs en eau (en moyenne 200 m3 d’eau sont nécessaires pour la purification d’1T de “terres rares”). Toutefois, pour nuancer, il est important de préciser que le Cérium est la terre rare la plus abondante et la moins critique. À titre de comparaison, il y a presque autant de Cérium que de Cuivre sur terre.
Est-ce le seul impact de la voiture thermique sur les milieux naturels ? Non, le carbone émis, dont nous avons parlé dans le premier article de la série, est à l’origine d’une autre dérive climatique, cette fois-ci au niveau des océans. En effet, les mers et océans constituent ce qu’on appelle des puits de carbone, au même titre que les arbres. Cela signifie qu’ils ont la capacité d’absorber une partie du carbone atmosphérique. Toutefois, comme le disait Lavoisier “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. Et c’est aussi le cas pour notre carbone. En réalité l’océan ne l’absorbe pas, mais il s’y passe une réaction chimique qui transforme le dioxyde de carbone en un acide inerte pour le climat. Mais voilà, cet acide, comme son nom l’indique, contribue à diminuer le pH des eaux du globe provoquant ce qu’on appelle l’acidification de l’océan.
Quel effet pour la biodiversité ? Il se trouve qu’un pH plus faible déséquilibre certaines réactions acido-basiques dont la création de carbonate de calcium, essentiel à la fabrication des coquilles des organismes marins. Il s’agit ici d’un enjeu de biodiversité, mettant en danger certaines espèces (coraux, mollusques, moules, huîtres) et donc déséquilibrant les chaînes alimentaires.
Devant ces constats, la voiture électrique est-elle en mesure d’apporter une alternative équilibrée aux enjeux environnementaux posés par l’automobile ?
L’impact de la voiture électrique sur les ressources et les milieux ⚡️
Quel est l’avantage de la voiture électrique ? Concernant l’acidification des milieux naturels, la voiture électrique émet 2 à 3 fois moins de carbone sur un cycle de vie. Son impact déstabilise donc moins le cycle carbone direct des océans.
Est-ce que la voiture électrique déstabilise tout de même les milieux naturels ? Oui, la production des batteries impacte les milieux naturels, la faune et la flore d’une manière différente ! L’extraction et le traitement des composants de base de la batterie induisent ce qu’on appelle une eutrophisation des milieux. La surabondance de phosphates et de nitrates due aux activités humaines favorise le surdéveloppement d’algues qui couvrent le milieu, le rendent pauvre en oxygène et entraînent un réchauffement de la température locale de l’eau. De plus, en fin de vie, ces organismes sont dégradés par des bactéries, entraînant notamment la production de méthane et de dioxyde de carbone.
Quel est l’effet produit ? Comme pour la voiture thermique, cet apport supplémentaire de CO2 finit par acidifier les océans. Ainsi, même si la cause n’est pas la même, les voitures électriques contribuent également à l’acidification des milieux naturels. Selon la fédération pour la nature et l’homme 6, la production des batteries représenterait 8 à 15% du potentiel d’acidification d’un européen possédant une voiture électrique.
Et concernant les ressources et notamment les terres rares ? Levons d’emblée une idée reçue relativement commune : il n’y a pas de terres rares dans la majorité des batteries de voitures électriques. Par exemple, la Renault ZOE n’en contient pas. C’est ce que relèvent le cabinet d’études carbone4 5 et le documentaire d’enquête A contresens 7. Certains moteurs peuvent en contenir mais elles y sont facilement substituables.
Alors, subsiste-t-il des enjeux autour des ressources ? Certains enjeux d’approvisionnement demeurent autour des matières premières. Les métaux nécessaires à la fabrication d’une batterie Lithium-Ion sont le Lithium, le Cobalt, le Nickel, le Graphite et le Cuivre 5, parmi lesquels les deux premiers sont considérés comme critiques. Et les autres composants pourraient le devenir avec la hausse rapide de la demande. Raison de plus pour réduire la taille des véhicules et favoriser le développement de véhicules électriques légers.
Leur extraction fait également débat (gestion des déchets, pollution de l’eau, pollution de l’air, conditions de travail) ; notamment celle du Lithium, réputée pour son extraction controversée dans les déserts de sels des Andes. Difficile de démêler le vrai du faux sur ces sujets sensibles, mais le document d’enquête À contresens 7 avance que l’extraction ne serait pas si polluante et irrespectueuse des droits humains. D’une part, le Lithium serait vraisemblablement un sous-produit de l’extraction du Potassium au sein de ces mêmes déserts de sel. Son extraction ne consommerait donc pas d’eau additionnelle. D’autre part, la question des droits humains se poserait essentiellement au sein des mines clandestines, auprès desquelles les grands groupes n’ont pas vocation à s’approvisionner. Quoi qu’il en soit, ces enjeux sont à mettre en balance avec ceux des industries fossiles (marées noires, atteintes aux droits de l’homme et conflits armés).
Conclusion
Sur ces volets environnementaux, c’est la phase d’extraction des matières premières qui concentre la plupart des impacts et des enjeux liés à la voiture électrique. D’où l’importance du développement des filières de recyclage, pour récupérer ces matériaux en fin de vie. A l’heure actuelle, la commission européenne impose un recyclage minimum des batteries de l’ordre de 50%. Mais les filières ne sont pas encore arrivées à maturité et elles se développeront seulement avec l’arrivée en fin de vie de la première vague de véhicules électriques 5. Quoi qu’il en soit, les usines de recyclage affirment que 95% des composants de batteries peuvent être recyclés 7, ce qui est bien supérieur aux 85% de recyclage atteints par la filière automobile classique.
Sur ce sujet, carbone4 estime que le recyclage des batteries pourrait réduire l’extraction de matières premières de 3% en 2030 et de 28% en 2050 5 et donc réduire légèrement la pression sur les matériaux critiques. Et pour les composants non recyclés, d’autres filières sont en plein essor pour leur donner une seconde vie, par exemple avec l’utilisation des anciennes batteries automobiles comme moyen de stockage d’énergie renouvelable dans les bâtiments 6.
Sources :
1 Les véhicules hors d’usage (VHU) sont broyés dans des lieux agréés. De leur traitement, ressortent les données suivantes :
- Durée du cycle de vie d’un véhicule : Ministère de la transition écologique : https://www.ecologie.gouv.fr/vehicules-hors-dusage-vhu
- Kilométrage moyen de fin de vie : Carbone4 : https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique
2 Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement et les transports, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/389-millions-de-voitures-en-circulation-en-france-au-1er-janvier-2023
3 Baromètre de l’AVERE (association nationale pour le développement de la mobilité électrique) : https://www.avere-france.org/publication/barometre-les-immatriculations-des-vehicules-electriques-et-hybrides-rechargeables-continuent-daugmenter-en-juillet-2023-dans-un-marche-en-bonne-forme/
4 Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, Office parlementaire du Sénat du 19 mai 2016 : https://www.senat.fr/rap/r15-617-1/r15-617-1.html
5 Les idées reçues sur la voiture électrique, cabinet Carbone4 https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique
6 Le véhicule électrique dans la transition écologique en France : Fondation pour la nature et l’homme : https://www.fnh.org/sites/default/files/vehicule_electrique_synthese.pdf
7 “À contresens : Voiture électrique : la grande intoxication”, documentaire d’enquête réalisé par l’ingénieur Marc Muller et le journaliste Jonas Schneiter : https://vimeo.com/ondemand/acontresensap
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