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Éco-logique : Comment mettre les intelligences – humaines, artificielles et du vivant – au service de la transition écologique et solidaire ?

Photo des intervenants de la conférence plénière de la 9ème édition du Greener Festival

La 9ème édition du Greener Festival, organisée par l’association The Greener Good, a eu lieu le samedi 5 et le dimanche 6 octobre 2024 au Château de Montchat dans le 3ème arrondissement de Lyon. Cette édition interroge l’utilisation des intelligences – humaine, artificielle et du vivant – pour la transition écologique, notamment lors de la conférence plénière.

Face aux crises environnementales et sociales qui bouleversent notre monde, plusieurs questions émergent. L’intelligence humaine suffit-elle à résoudre les défis auxquels nous faisons face ? Devons-nous nous reposer davantage sur les technologies et les intelligences artificielles, ou plutôt nous inspirer des écosystèmes naturels et de l’intelligence du vivant pour trouver des solutions ? Et plus globalement : quelles formes d’intelligences utiliser face aux défis de la transition écologique et sociale ?

La conférence a été introduite par Bruno Bernard, Président de la Métropole de Lyon, et Sylvain Godinot, adjoint au Maire de Lyon en charge de la transition écologique. Elle avait pour but d’ouvrir la réflexion sur les intelligences par la présence de 3 personnes expertes dans leur domaine :

  • Maéva Bigot, psychologue sociale et environnementale. Elle a notamment étudié l’influence de l’environnement dans le quotidien des humains.
  • Mehdi Khamassi, directeur de recherche au CNRS affecté à l’Institut des systèmes intelligents et robotiques. Il participe à des recherches en sciences cognitives, notamment sur la prise de décision.
  • Hugues Mouret, naturaliste, écologue et directeur scientifique de l’association Arthropologia.

Quels sont les défis sociaux et environnementaux auxquels font face les humains aujourd’hui ?

Dans le cadre de cette conférence, plusieurs défis sociaux et environnementaux sont mis en avant dans le cadre de la transition écologique.

Répartition des pouvoirs et rapports de forces

L’humanité traverse une crise relationnelle en raison des décisions politiques et de l’exclusion du vivant dans les dynamiques d’interaction entre les individus. La répartition des pouvoirs montre des rapports de domination qui contribuent à l’état actuel de la société et de l’environnement. La question est ainsi de savoir à quels moments, à quels endroits et qui peut modifier ces chaînes de relation. Les sciences humaines et sociales pourraient permettre d’agir auprès des personnes concernées.

Impact de l’économie sur l’environnement

L’économie linéaire alimente les défis en négligeant les cycles du vivant. Elle impacte également notre santé mentale, relationnelle et physique. D’après Hugues Mouret, 40 % des vertébrés ont disparu ces 50 dernières années. Ces extinctions ont entraîné des problèmes plus spécifiques, comme le syndrome d’autofécondation des plantes à fleurs. Ces dernières peuvent désormais se passer des pollinisateurs. Ce phénomène illustre une boucle de rétroaction. À terme, il remet en question l’habitabilité de la planète Terre.

Ainsi, comment inverser les rapports de force ? Comment émerveiller les individus pour les amener à prendre conscience de leur environnement et à agir en faveur de la transition écologique ?

Quelle est la différence entre l’intelligence humaine et celle du vivant ?

Pour changer les rapports de force et la vision globale que notre société se fait de notre environnement, il est nécessaire de replacer les notions d’intelligences, qu’elles soient humaines, du vivant ou artificielles.

L’intelligence humaine vue comme unique

Très souvent, l’intelligence est abordée par le biais de la créativité de l’Homme, mais aussi par la cognition, l’organisation des idées, les projections, la résolution de situations ou encore l’utilisation des outils. Cela fait de l’hypertechnologie une conséquence de notre intelligence, et oppose la nature au symbole de progrès.

Que ce soit le fait de voir, compter ou encore communiquer, les humains ne sont pas les seuls à en être capables. De plus, le vivant est caractérisé par sa capacité générale à faire face à de nouveaux problèmes, à s’adapter et à évoluer, faisant de l’intelligence une composante qui n’est pas propre aux humains.

Intelligences et évolution

En général, les êtres vivants sont confrontés à des évolutions constantes. Mais, depuis quelque temps, les changements provoqués par les activités humaines sont beaucoup plus rapides et demandent donc de nouvelles capacités d’adaptation. De plus, la perte de la biodiversité due à la crise environnementale a un impact sur l’adaptation du vivant à son environnement. De ce fait, l’influence des humains mène à un changement et à une déconsidération du vivant par notre société.

Les intelligences ont-elles vraiment servi toute l’espèce humaine et le reste du vivant ?

Notre plasticité neuronale importante caractérise notre capacité à nous adapter et à changer en conséquence. Nos nombreux langages permettent de nous coupler à l’environnement plus facilement que d’autres espèces. Mais est-ce que ces compétences nous servent toujours à nous coordonner ? Est-ce qu’elles peuvent rendre service à la transition écologique ?

La Théorie des intelligences multiples

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intelligence humaine n’est pas représentée uniquement par la résolution de problèmes complexes. C’est ce qu’explique la Théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner1 : il existe des intelligences au-delà de l’intelligence logico-mathématique, telle que l’intelligence kinesthésique (contrôle du corps), l’intelligence intrapersonnelle (compréhension de soi) ou encore l’intelligence naturaliste (sensibilité à la nature).

L’intelligence humaine : source de progrès, mais aussi de crises

Au vu des défis et des problématiques socio-environnementales actuelles, il est légitime de se demander si notre intelligence développée a vraiment servi toute l’espèce humaine et le reste du vivant. En effet, elle nous a d’abord conduit à cet état global de crise écologique et à ”l’anthropocène” par l’utilisation massive de technologies, diminuant également les liens entre les humains et la nature. Les rapports de domination et de privilèges qui structurent la société occidentale soulèvent la question cruciale de la considération du soin de la vie sur Terre dans l’utilisation des technologies, notamment des intelligences artificielles. Certains systèmes conçus par l’Homme, tels que le capitalisme, démunissent la société d’intelligence collective alors que les grandes décisions, comme la construction d’infrastructures destinées aux usagers, peuvent être discutées.

Repenser les règles sociétales pour renforcer la coopération

Avant même de s’être libérée des contraintes de prédation, la collaboration permettait l’évolution, ce qui est étonnant car cette capacité se perd au fil du temps. Cela pose ainsi la question de la longévité de l’espèce humaine. Cependant, pour pouvoir collaborer, il faut pouvoir deviner l’intention des autres, et donc avoir de l’empathie. Cela met toutefois en lumière une attitude égoïste, consistant à toujours avoir un coup d’avance et à exploiter les idées d’autrui, ce qui contribue à l’établissement d’une hiérarchie. Il est donc nécessaire de penser à des règles sociétales afin de développer l’aspect coopératif.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle et ses enjeux ?

Le terme d’intelligence artificielle (IA) est né au milieu des années 50, et correspond à la recherche de simulation des processus qui relèvent de l’intelligence humaine. Cela nous a obligé à cette occasion à mieux comprendre l’intelligence humaine. D’un côté, les IA nous facilitent la vie et nous permettent de mieux comprendre le monde qui nous entoure. D’un autre côté, elles restreignent notre raisonnement et nous déconnectent de l’environnement.

Les IA représentent plusieurs enjeux :

  • un enjeu géopolitique, puisqu’il s’agit d’une technologie utilisée dans divers domaines et soumise à la concurrence internationale.
  • un enjeu écologique, via le coût énergétique. Les grands algorithmes avec leurs importantes masses de données sont très appréciés, mais nécessitent beaucoup d’ordinateurs, explosant ainsi le bilan carbone.
  • un enjeu éthique : est-ce que les humains gagnent ou perdent en autonomie en utilisant les IA ?

De plus, un déséquilibre existe entre les quelques grands acteurs qui ont un intérêt à l’utilisation d’IA, et ceux qui ont le pouvoir d’imposer ces technologies aux autres, posant la question de l’utilisation des intelligences artificielles. Dans notre société actuelle, la réflexion collective sur le sujet est ainsi omise par les rapports de force.

L’impact du numérique sur nos capacités cognitives

La question de l’usage du numérique et de ses conséquences sur nos capacités cognitives se pose également. La dimension numérique multiplie la quantité d’informations exposées à notre cerveau. Notre tendance naturelle à automatiser notre comportement nous rend plus vulnérable aux influences par les incitations. De plus, l’explosion démographique et l’usage d’internet nous mettent en relation avec des millions de personnes et complexifient les relations et les collaborations.

La sollicitation du numérique ne facilite pas le maintien de la concentration. Les publicités et les recommandations nous enferment dans des bulles. Elles contribuent à un certain mal-être, à une impuissance et à une perte de temps alors qu’elles ont été créées pour nous en faire gagner.

Ces constats montrent une nécessité de penser collectivement un partage d’informations, en gérant mieux nos rapports au numérique.

Quelles sont les idées pour utiliser les intelligences au service de la transition écologique ?

L’intelligence du vivant : le biomimétisme

Dans l’histoire de l’humanité, nous avons toujours copié le vivant, d’où le terme biomimétisme. Dans cette volonté de maîtriser la nature, nous sommes beaucoup dans le “faire”, alors que nous devrions d’abord interroger notre place. Intelligences artificielles et vivant peuvent inspirer de nouveaux récits, en aidant à résoudre la crise environnementale ou en repensant l’usage des IA pour le bien de l’environnement.

Utiliser l’intelligence humaine pour le bien commun

Aujourd’hui, nous avons les moyens de partager travail, ressources et connaissances pour créer un monde plus équilibré. Pour cela, deux principes : le savoir-être doit primer sur le savoir-faire, et il faut sortir du capitalisme. Notre capacité à prendre du recul nous distingue des autres espèces, nous rendant plus humbles et plus connectés à notre environnement. Nous devons agir avec le vivant, et non simplement l’exploiter.

Mieux utiliser notre intelligence suppose de se concentrer sur l’humain, en prenant en compte la santé mentale et la psychologie sociale. De plus, le temps libre favorise créativité et déconnexion. Il ne faut pas surestimer nos capacités individuelles, mais construire ensemble. Laisser de la place, ralentir, observer, écouter et partager permet à la Terre de se régénérer à son rythme.

Cette conférence souligne l’urgence de trouver un équilibre entre l’intelligence humaine, l’intelligence artificielle et l’intelligence du vivant pour un futur plus respectueux des écosystèmes. Elle met aussi l’accent sur la nécessité de recentrer nos efforts sur la collaboration, l’humilité et la solidarité.

L’association The Greener Good remercie Maéva Bigot, Mehdi Khamassi et Hugues Mouret d’avoir été présents et d’avoir échangé sur les nombreuses idées relatives à l’utilisation des intelligences dans la crise environnementale.


Sources

1. Théorie des intelligences multiples : https://www.hachettefle.com/dossiers/integrer-la-theorie-des-intelligences-multiples-son-enseignement